Burundi: Anarque à la Nkurunziza! « Ce qui rend la naïveté si gracieuse, c’est qu’elle n’est pas faite pour durer comme l’a dit Antonin Rondolet. » 

Après l’annonce rocambolesque de Pierre Nkurunziza qu’il ne se présentera pas candidat à la présidentielle de 2020, tous les débats sur les médias, les réseaux sociaux et même radio Munwa ne sont focalisés que sur son « probable départ en 2020 ».  Le  Burundi a le mérite d’avoir un peuple merveilleux, qui oublie facilement quand ça l’arrange. Sauf qu’on peut aussi dire que c’est un peuple très versatile. Il suffit tout simplement de le secouer pour arriver à ses fins, on voit comment il change de couleur.  Du moins pour nos politiciens malhonnêtes qui croient que tous les chemins sont bons pour arriver à leurs intérêts égoïstes.  Il n’en manque pas ces faux politiciens au pays de Ntare Rugamba. 

A ceux qui ont la mémoire courte, je voudrais leur rappeler que Pierre Nkurunziza n’est pas un homme de parole. Il ne faut pas quand même tomber dans ce piège. Espérons que peu sont ceux qui peuvent croire aux propos tenues par quelqu’un qui a osé déclarer haut et fort au monde entier qu’un mandat n’est pas un mandat. Par ailleurs, n’est-ce pas un congrès du parti qui désigne un candidat selon les dires de lui-même. Comment peut-on croire à une simple déclaration de celui qui n’a pas eu peur de piétiner les Accords Historiques?

Avant de revenir sur cette déclaration étonnante du jour de la promulgation de la nouvelle constitution, laisser moi m’attarder en peu sur la personnalité de son auteur.

1) Pierre Nkurunziza est un Président qui ne permet jamais un raisonnement. Pour l’éviter il plonge chaque fois dans l’abstrait. Il dit que Dieu lui avait révélé qu’il sera Président de la République du Burundi en 1995. Depuis, il dit que son parti est en alliance avec Dieu.

Voilà comment il a commencé à étouffer tout débat qui allait pourtant guider les Burundais initiés au consensus d’Arusha pour résoudre leurs différends.

Peu de temps après son investiture en 2005 pour son premier mandat, Pierre Nkurunziza secoua le peuple Burundais par un gros mensonge. Il disait qu’il y avait un complot de coup d’Etat contre lui. Il avait juré devant tous qu’il détient des preuves irréfutables du putsch. Les Burundais n’oublieront jamais les images choquantes de torture de l’ancien vice-président Alphonse Marie Kadege dans les enceintes du déplorable service de renseignement par les criminels du système CNDD-FDD l’accusant de ce pseudo-putch.  L’ex-président Domitien NDAYIZEYE a été aussi emprisonné pour ce théâtre de Pierre Nkurunziza. Comme l’avait dit par la suite Alexis SINDUHIJE, journaliste et directeur de la Radio Publique Africaine à l’époque, les preuves du coup d’Etat contre Pierre Nkurunziza existaient seulement dans sa tête.

Ainsi, depuis son avènement au pouvoir, à chaque bonne occasion qui se présentait, on devrait s’attendre à un nouveau mensonge. Ceux qui ont le courage de réécouter ses discours peuvent compter le nombre de fois où il parla seulement pour flatter les âmes sensibles. Des promesses d’éradication de la corruption aux chemins de fer, c’est devenu même rigolo quand il parle.

Pierre Nkurunziza a trouvé même une formule absurde pour éviter tout l’argumentaire. Il dit que tout lui est dicté son  » dieu d’en haut  » qui en est toujours témoins. Comme, on ne pose pas de question.

Donc, Pierre Nkurunziza est un homme exceptionnel qui rend seulement compte à Dieu. Le grand problème c’est qu’il y a emmené tout un pays. Du moins toute sa confrérie.  Tout son régime s’appuie sur ce mensonge pour éviter la raison et ainsi ensevelir le peuple trop croyant.

Si on revient à la fameuse déclaration du 07 juin 2018, il faut dire que cela n’engage que ceux qui y croient! Parce que d’abord, comme je l’ai dit en haut, peu de promesses de Pierre Nkurunziza ont été réalisées. Seules les menaces contre les opposants, qu’il a toujours considérés comme des ennemis du pays, avaient la chance d’être toutes accomplies. Ensuite, pour lui, le ridicule ne tue pas.

Les plus naïfs ont pensé à un soulagement dans cette déclaration. Ils pensent que « le monstre » Pierre Nkurunziza qui a tellement endeuillé le Burundi pourra partir enfin en 2020. Une bonne surprise, toujours selon eux, parce qu’on commençait à perdre tout espoir de voir le bout du tunnel. Mais, ce qu’oublie le plus optimiste c’est que André Babst disait qu’un pessimiste, c’est un optimiste qui a beaucoup d’expérience. L’expérience nous aurait montré qu’il faut y aller doucement quant aux discours de Nkuruniza. Et d’ailleurs plusieurs analystes ont déjà fait mention d’une stratégie d’apaisement des esprits pour tromper l’opinion nationale et internationale afin d’asseoir sa dictature avec moins de heurts. Je ne n’y reviendrai pas.

Cependant, soyons trop optimiste et donnons crédit à ses propos, Pierre Nkurunziza qui part en 2020, ceci constitue-t-il une solution au conflit Burundais qu’il a lui-même perduré? Non. Me semble la réponse malheureusement. Parce que contrairement à ce que disaient certains médias internationaux, Pierre Nkurunziza en personne n’est pas seulement le problème pour le Burundi, il est seulement l’incarnation du système qu’il a battu. Je compare sa constitution à une maison mal battue dangereuse pour ceux qui vivent. Pour trouver solution, il faut démolir totalement et construire selon les règles.

D’ailleurs, la contestation contre le 3ème mandat ne visait pas uniquement la personne de Pierre Nkurunziza mais plutôt aspirait à protéger une paix retrouvée après les accords d’Arusha. L’annonce de sa candidature au 3è mandat a été une goutte qui a débordé la vase dans la déstruction d’un Etat de Droit soucieux d’une paix sociale pour tous. Pierre Nkurunziza a toujours gardé une dent contre les Accords d’Arusha.

Souvenez-vous l’oiseau de mauvaise augure Fidèle Nsabumukiza, qui en 2014 parlait déjà d’une révolution contre les Accords d’Arusha. A l’époque, on le prenait pour un taré zélé qu’on pouvait tout de suite recadrer. Non, il n’a fait que révéler les rêves de Pierre Nkurunziza et son système. Les mauvaises langues disaient d’ailleurs que les accords d’Arusha donnaient trop de places aux Tutsi minoritaire que les Hutu sont finalement lésés alors qu’ils sont nombreux. Un discours qui sortait à haute voix ce qui se murmurait à voix basse dans les sphères du pouvoir. Ce système d’Arusha, mal aimé par Pierre Nkurunziza était battu sur un mécanisme qui ne permettait pas trop de pouvoir au Président et au parti qui a gagné les élections. Ce compromis d’Arusha qui donnait droit au chapitre les minorités représentatives avec des garde-fous contre les dérives totalitaires était devenu un problème pour le pouvoir de Nkurunziza.

Bref un système démocratique atypique rassurant pour tous, bien qu’il n’est pas parfait, pour mettre fin rapidement à l’idéologie génocidaire et d’exclusion, est à démolir selon Nkurunziza.

Certains ténors du pouvoir de Nkurunziza affirmaient que ce système d’Arusha les empêchait de triompher, d’écraser si besoin cette « maudite minorité »,  de dominer sur « la minorité mal aimée, les Tutsi.. ». Voilà pourquoi les radicaux du système CNDD-FDD ne voulaient jamais entendre les accords d’Arusha. Ils ne manquaient pas chanter, chaque fois que l’occasion se présentait,  que Arusha n’est pas une bible burundaise, que tous les Burundais ne sont pas allés à Arusha. Autant d’arguments pour annoncer la mort imminente des accords d’Arusha. Ils vont même dire que tous les Burundais ont demandé le changement de la constitution à travers le  » fameux dialogue national ».  Pour bien pimenter et attiser la corde sensible, les extrémistes du CNDD FDD n’ont pas hésité de dire que la Constitution issue des Accords d’Arusha est la constitution des colons parce qu’elle est issue des accords initiés par la communauté internationale. Cette constitution construit sur un consensus a été toujours comme une épine dans le pied de Pierre Nkurunziza.

C’est pourquoi on dit que l’actuelle constitution est une victoire sur la Colonisation. Retenez surtout les deux mots-clés, la Constitution contre les Tutsi-colons. Certains ne manquent pas de le dire qu’elle était venu pour limiter le pouvoir au Président Hutu.

Si l’on en tient encore à l’hypothèse que Pierre Nkurunziza pourrait partir en 2020, ce qui est loin d’être vrai; peut-être pour revenir 7ans après, on peut dire sans risque de se tromper que depuis son accession au pouvoir, son combat ultime aura été la destruction du compromis d’Arusha qui pouvait proteger les minorité dans la philosophie réellement  représentative. La philosophie de Pierre Nkurunziza et son pouvoir étant différente. Même les Tutsi du parti au pouvoir représente les Tutsi, selon lui. Ce qui est réellement un autre gros mensonge parce que les Tutsi du parti au pouvoir sont guidés par la philosophie du parti que de sa communauté éthnique.

Avec la proclamation de la fin de cette constitution qui limitait le pouvoir aux envies démesurées, c’est le bon moment alors pour annoncer sa petite pause. Tellement il a mené un long et dur combat. Détruire quelque chose qui a été construite avec l’aide de Mandela, l’UE, Nyerere, Bill Clinton, Koffi Annan…et dont l’original se trouve à New York à l’ONU est stressant et fatiguant.

Par la suite, comme marge de manœuvres, il a plusieurs scénarios possibles :

Scénario à la Poutine.

Comme les autres l’ont dit, je ne veux pas m’y attarder. Pierre Nkurunziza est tellement fatigué depuis le 3ème mandat, il n’a jamais eu de paix, il a trop tué, menti, usurpé et surtout s’est enfermé sur lui-même. Il est arrivé à un point où il a peur de tout le monde. Même des siens. Il ne sort plus de chez lui. Il fuit tout le monde, il n’a plus confiance en personne. Il est devenu paranoïaque. Sa seule thérapie qui l’aide est de jouer au football. Comme le malheur ne vient jamais seul, la maladie frappe son pied qui l’aidait à taper dans le ballon, selon plusieurs témoins, et il est obligé de se terrer à la maison. Malheur, parce qu’il a le temps de penser malheureusement, d’affronter la réalité.

Entre temps, les sanctions pèsent lourd. Il est tellement isolé, ridiculisé même. Il ne peut pas sortir parce qu’il ne sait pas ce qui pourrait lui arriver s’il s’éloigne du Burundi. C’était devenu trop. Dire qu’il ne se représentera pas en 2020 au moment où tous ne s’y attendait pas, il pense trouver une stratégie de s’en sortir avec moins de bruit. Mais, pas de répit dans tous les cas pour les victimes de ses atrocités. Pour les victimes, ceci est un non événement.  Il veut seulement rassurer les prétendants de son camp qu’il partira en 2020. Un petit plan qui lui permettrait, d’un côté pour revenir sur la scène internationale, de susciter l’apaisement des sanctions et de l’autre côté de rassurer dans son camp pour éviter une fronde.  Comme ça, il pourra briguer le poste de premier ministre tout en étant réellement l’homme fort du pas.

Après un septennat, il pourra alors revenir officiellement comme il voudra pour passer encore 14 ans au pouvoir selon la nouvelle constitution.

Autres possibilités, Pierre Nkurunziza pourrait nous surprendre encore avec des systèmes typiquement uniques dans le seul pays au monde où un condamné à mort peut régner et déchirer les accords historiques.

a) Le premier scénario possible pourrait être inspiré par la République Islamique de l’Iran.

Pierre Nkurunziza pourrait devenir le Guide suprême éternel du Burundi comme Ali Khameni en Iran, le Guide de la Révolution, élu en 1989, qui est le plus haut responsable politique et religieux du pays appelé aussi gardien de la jurisprudence en Iran. N’est-ce pas que notre Pierre Nkurunziza ait déjà été élevé au titre de Guide Suprême permanent ou Éternel du CNDD-FDD pour nous y préparer. Maintenant que les gardes fous d’un Accord d’Arusha viennent de tomber, le Guide Suprême Éternel du CNDD-FDD pourrait devenir facilement le Guide Suprême Éternel du Burundi.

Un vote en ce sens serait comme une lettre à la poste.

b) Le second scénario pourrait s’inspirer de Jean Bedel Bokassa Maréchal et Président à vie de la Centrafrique qui se proclama le 4 décembre 1977 Empereur de la Centrafrique. Tous les Maîtres de Cérémonies sont là pour faire le Muhanza de Mwumba le fondateur de l’ Empire Burundais sans « colons.

C)  Le troixième scénario serait que Pierre Nkurunziza pourrait aussi imiter Kadhafi qui dirigeait la Jamahiriya qui se baptisa Guide de la Révolution Libyenne en 1980. Qui était également plus que Président..

En tout cas, tout est possible avec Nkurunziza. On peut même changer le régime Burundais parce qu’on a déjà commencé à insinuer que le Burundi n’est devenu indépendant qu’actuellement avec la « Constitution  Burundaise » et le CNDD-FDD . Certes, l’actuelle constitution ne prévoit pas ces postes mais il est important de dire qu’elle prévoit, s’il y a besoin, un autre référendum pour l’amender et permettre au Burundi d’être une monarchie comme je l’ai dit ou la possibilité de la République spéciale permettant ainsi toutes ces innovations.

Pour terminer on peut dire que l’année 2020 nous resserve des surprises mais d’ors et déjà penser à une accalmie serait comme un malade sur le point de mourir qui pense à la guérison d’une maladie qui n’a pas encore eu de médicaments.

Dans mon prochain numéro, j’évoquerai comment cette déclaration n’est qu’un non événement pour l’opposition et de tout Burundais aspirant à la paix et à l’Etat de Droit