Site icon Itara Burundi

Burundi: Opinion « Charte de l’Unité Nationale, heureusement qu’on y avait pensé »

Il y a exactement 27ans, les Burundais ont adopté l’Unité Nationale, « Ubumwe bw’Abarundi ».
Ce concept avait fait coulé l’encre et la salive au cours des années 1990 au Burundi. Pour moi, je m’en souviens  comme si c’était hier. Étant très  jeune pour comprendre tous les enjeux et les contours de ce grand projet initié par le Président Buyoya, j’étais beaucoup plus intéressé par le folklore artistique et culturel qui l’accompagnait.
A l’occasion de la célébration de ce grand événement, j’étais choisi comme jeune poète, pour réciter un texte« Amazina » écrit par un enseignant compositeur à mon école primaire,  qui malheureusement fût emporté une année plus tard par le génocide. Paix ait son âme.  Ce texte était plein de messages de paix, de solidarité, d’Ubuntu et surtout de patriotisme. Le tout dans une rhétorique poétique hors du commun. Je faisais parti des artistes de ma province avec des groupes folkloriques, des auteurs compositeurs, des groupes de chanteurs  des écoles secondaires et primaires…qui devraient présenter des numéros culturels pour célébrer l’unité Nationale et d’autres festivités très fréquentes à l’époque du parti unique.
La mobilisation pour l’événement fut maximale
La mobilisation fut maximale à travers tout le pays. Des compétitions culturelles avec des thématiques de l’unité nationale furent organisées au niveau des collines, des zones, des communes et des écoles. Des monuments de l’Unité furent érigés à tous les chefs-lieux des communes. Le plus célèbre restera bien sûr le Monument National érigé à Vugizo. Des livrets de l’Unité Nationale furent distribués dans tout le pays. Bref, le gouvernement de l’époque avait déployé tous les moyens nécessaires pour l’initiative, combien louable. Il faut dire que ce fut un grand événement.
La charte de l’unité un besoin très vital
Ce pendant, j’avoue que j’ignorais encore que les Burundais étaient tellement dans le besoin de recoudre le tissus social. J’avais déjà eu écho des événements de NTEGA-MARANGARA sans connaître réellement des détails.
Le peuple avait besoin de cette charte nationale même si il y’avait quelques groupes des Burundais qu’on avait d’ailleurs qualifié « d’extremistres » qui étaient contre, j’ignore combien pouvaient-ils être. Ce dont je me souviens est que dans certains coins du pays,  l’urne « Blanc » symbole de « Oui à l’Unité Nationale » a été bourrée, voire même saccagée pendant le référendum adoptant l’unité. Les autorités avaient qualifié ces actes de « sabotage » par les ennemis de l’unité. Je ne saurai jamais les vrais motivations de ces actes puisque les enquêtes ne seraient pas oubliées.
En tout état de cause, on pouvait pressentir déjà un mauvais signe de la fracture sociale et un coup contre cette charte tant charte. On y reviendra plus tard.
Au delà de toutes les critiques, qui ne peuvent manquer, l’idée de l’unité nationale a été saluée par l’opinion Nationale et Internationale, dans ce pays toujours en proie des conflits interminables.
Depuis l’indépendance, les dissensions ont créé des victimes et ont empêché aux Burundais de se sentir un seul peuple et unifié. Malgré les apparences trompeuses et la peur des pouvoirs militaires, il faut dire qu’une partie de la population vivait une paix des cimetières. Donner cette occasion aux Burundais de tisser et de renforcer les liens sociaux était le plus beau cadeau que le pouvoir pouvait offrir. Même si on peut s’accorder à dire que la vraie Unité ne se proclame pas mais se vit. Que dire du pouvoir de la deuxième République qui avait d’ailleurs privilégié beaucoup le développement socio économique pour essayer éradiquer les conflits ethniques ? Une approche qui s’est avéré efficace mais pas suffisante dans un pays où plus de 90% de la population vit de l’agriculture de survie.
Plusieurs observateurs affirment d’ailleurs que le calme n’était pas dû à la satisfaction du peuple mais beaucoup plus à la peur face à ce qu’on n’hésitait pas de qualifier d’ « Etat policier ». Ce qu’on n’attendra pas longtemps pour le voir. En moins d’une année après le début de  la 3è République, un incident qualifié de «simple » par certains témoins à Marangara avait causé des massacres d’une paisible population Tutsi dans les communes de  Ntega et Marangara. Ces tueries ciblées contre un groupe de civiles, la répression sanglante qui s’en est suivie et les attaques répétées de la rébellion du Palipehutu étaient des signes qui ne trompaient pas de la nécessité de réajuster la stratégie de la réconciliation nationale. La Charte de l’unité adopté fut un lancement d’un long chantier qui devrait se bâtir sur une longue période, par plusieurs acteurs de plusieurs générations. L’avènement de la démocratie en juin 1993 montrera d’ailleurs qu’il fallait plus de temps, d’énergie et surtout de synergie pour assoir une paix durable.
Parmi les questions que l’on peut se poser celle de savoir si le Président Buyoya a suffisamment préparé la remise et reprise du chantier de la Réconciliation à la nouvelle équipe élue figure au premier plan. On craint que des efforts n’auraient pas été mis de ce côté.  Ou peut-on penser que l’avènement de démocratie aurait été confondue à une révolution contre une aristocratie au lieu de l’émancipation sociétale? Cette confusion aura coûté extrêmement chère à la nation Burundaise. Des détracteurs de l’initiateur de la Charte de l’Unité Nationale iront même jusqu’à accuser ce dernier d’être le déclencheur de la guerre civile et du génocide d’octobre 1993 par l’organisation d’un putsch contre le Président NDADAYE. Des accusations emboîtées dans le pas par le pouvoir actuel de Bujumbura tant décrié. Buyoya étant d’ailleurs sous mandat d’arrêt International lancé par le régime de Nkurunziza lui-même sous enquêtes de la justice Internationale pour crimes contre humanité. Le Président Buyoya est poursuivi par ce pouvoir de Bujumbura dans l’affaire de l’assassinat du Président NDADAYE. Pour plusieurs observateurs et analystes, d’abord, il est incompréhensible et même paradoxe de comprendre comment le Président  BUYOYA aurait planifié un putsch ou assassinat d’un Président à qui il avait passé pacifiquement le pouvoir quelques mois avant alors qu’il pouvait le garder en truquant les élections comme presque tous les Présidents Africains.
Ensuite, il serait illogique pour Buyoya de dépenser autant de moyens et d’énergies pour initier la Réconciliation Nationale, et en même temps la déchirer en assassinant ou en renversant un Président élu.
Enfin, d’aucuns se demandent le fondement de ces accusations de putsch par une personnalité qui n’avait pas à ce moment aucune fonction de responsabilité et ainsi aucun pouvoir. Du moins juridiquement et techniquement, si justice y en aura, il  y a du pain sur la planche.
Ce dont on peut être sûr, c’est que nous vivons dans un pays où l’on est habitué aux procès de rue suite à une culture de mensonges et une absence de justice équitable.
Il est toujours difficile de parler des faits dans un pays où la très grande de minorité de l’opinion ne consultent pas les canaux officiels d’informations crédibles. Actuellement, pire encore, les réseaux sociaux sont venus s’ajouter aux rumeurs des bistrots et des théories de complots.
Pour parler des faits, la mort de NDADAYE en octobre 1993 a précédé des périodes de tensions et un climat malsain dans le pays pour avoir changement de pouvoir paisible. Une partie des perdants aux élections avaient eu mal à accepter facilement le changement brusque et brutal qui pointait à l’horizon. Il aurait fallu que les gagnants fassent une preuve de sagesse pour rassurer ceux qui sentaient une menace grandissante à leur survie par les intimidations incessantes sur les collines. Malheureusement, c’est le contraire qui s’est produit.
Même si la passation de pouvoir s’était faite dans la tranquillité, la campagne de remplacement de tous les responsables nationaux (du Président de la République au chef de colline en passant par tous les services, postes politiques et techniques) que l’on a d’ailleurs baptisée « Gususurutsa » s’est réalisée d’une manière catastrophique. Des provocations et attaques par des partisans du parti qui accédaient au pouvoir sur les civiles et militaires partisans de l’ancien régime et passées sous silence radio/ou favorisées par ce nouveau pouvoir auraient créé une psychose de guerre et auraient favorisé les radicaux et extrémistes à envisager le pire en renversant les institutions élues. J’y reviendrai dans les détails dans un autre numéro. Ce que personne ne peut ignorer c’est que l’idéologie de la haine ethnique avait pris place dans les cœurs de plusieurs Burundais. Quand le Président Buyoya avait initié le projet de la charte de l’unité Nationale, il savait que des Burundais se regardaient en chiens de faïences sans se l’avouer.
La Charte de l’Unité nationale, que je considère comme « lancement » d’un long projet de réconciliation malgré plusieurs obstacles au cours du chemin, avait eu la chance de se matérialiser avec les acquis des Accords de paix et de la Réconciliation d’ Arusha.
En moins de 10ans avec le concours des partenaires, les médias, la société civile Burundaise étaient parvenus à éradiquer l’idéologie de la haine ethnique. La preuve en est que, en dépit de toute instrumentalisation et de toute manipulation par le pouvoir actuel depuis Mai 2015, les Burundais ont résisté heureusement à la division ethnique. N’eussent été les commandos de la mort et jeunes à cerveaux lavés utilisés pour semer la terreur, tous les efforts du gouvernement de facto à retourner la situation dans des clivages divisionnistes se seraient voués à l’échec. Une avancée significative, en tout cas de ce point par rapport aux autres périodes conflictuels de l’histoire du Burundi.
Heureusement qu’on y avait pensé
En sommes, ce chantier de la réconciliation nationale a besoin d’être consolidé par tous pour une paix durable. Avant de tourner définitivement cette page sombre de notre histoire, on a besoin de retrouver cette charte combien importante, afin de nous atteler beaucoup plus sur ce qui nous unit que des diversions noyées dans les clichés ethniques.
Cela, avant de recouvrer l’Etat de droit, il me paraît malheureusement impossible de statuer encore sur cette Charte de l’unité pour la rendre encore vibrante et vaillante!
Vivent les Burundais unis et solidaires pour le bien.
Quitter la version mobile