(NDONDEZA DU 24 OCTOBRE 2018)
« Les autorités burundaises doivent sortir du silence et faire la lumière sur les cas de disparition de Vianney HAVYARIMANA, Emery EMERUSENGE, Prosper NDUWAYO, Jean-Claude HABIYAKARE, Marius NDAYIKENGURUTSE, Matthieu NDAYIZEYE, Rubin NDAYIKEZA et Jean-Bosco NIBASUMBA».
Dans le cadre de sa « Campagne NDONDEZA contre les disparitions forcées au Burundi », le FOCODE a recueilli des informations et des témoignages très préoccupants sur des cas récents de disparitions des citoyens burundais. Bien que le modus operandi des disparitions n’ait pas changé, on remarque qu’il devient de plus en plus difficile d’identifier et de nommer les auteurs d’une disparition. Certes, comme dans la majorité des cas déjà documentés par la « Campagne NDONDEZA », la plupart des disparus évoqués dans cette déclaration sont des militants de l’opposition (principalement des membres du parti MSD[1]) et les victimes tombent dans le piège des ravisseurs en répondant à un rendez-vous fixé via un appel téléphonique de personnes qu’elles connaissent et considèrent généralement comme des «amis ». Mais, contrairement à la majorité des cas précédents, les scènes d’enlèvements sont plus discrets : les ravisseurs semblent avoir affiné leurs opérations de kidnapping, les familles constatent la disparition des leurs sans qu’il y ait des témoins de l’enlèvement. Ceci complique la qualification « disparition forcée » quand on ne sait pas identifier le corps de l’Etat ayant arrêté ou enlevé la personne. Un autre aspect intéressant : les familles des victimes sont de moins en moins soumises au rançonnage mais continuent à subir des menaces après la disparition des leurs pour les décourager à continuer les recherches. En revanche, du côté des autorités burundaises, la réaction reste la même : silence ou banalisation des disparitions par les autorités administratives et gouvernementales, inaction quasi-systématique de la police et de la justice burundaises. Dans une des rares sorties médiatiques du gouvernement burundais sur la question des disparitions forcées, le Ministre Martin NIVYABANDI en charge des droits de l’homme s’est exprimé le 20 septembre 2018 : il s’est contenté de la définition juridique et ne s’est pas préoccupé du sort des personnes qui disparaissent.
Ce dossier de la « Campagne NDONDEZA » évoque un certain nombre de cas très récents de disparitions. Beaucoup de familles ont alerté l’opinion sur la disparition des leurs mais n’ont pas d’information sur le déroulement de l’enlèvement, ce qui complique la qualification de ces disparitions au moment où les autorités burundaises semblent décidées à organiser leur ligne de défense sur base de la définition de la disparition forcée en droit international. Ce dossier comprend huit cas de disparitions. Vianney HAVYARIMANA, militant du parti MSD, a été enlevé le 26 août 2018 tout près du centre des déplacés de Bugendana[2] par des personnes à bord d’une camionnette pick-up de couleur blanche aux vitres teintées, en présence de l’Administrateur communal de Bugendana. Prosper NDUWAYO, jeune boutiquier sans affiliation politique connue, a disparu au chef-lieu de la province Ngozi le 07 septembre 2018 aux environs de 22 heures. Son frère Jean-Claude HABIYAKARE, sous-officier dans l’armée burundaise, parti à sa recherche a disparu au chef-lieu de Ngozi le 17 septembre 2018 alors qu’il répondait à un rendez-vous d’une personne qui n’a pas été identifiée. Marius NDAYIKENGURUTSE, enseignant et militant très actif du parti MSD, a disparu au chef-lieu de Ngozi le 31 juillet 2018 peu après 20 heures alors qu’il répondait à un rendez-vous d’une personne qui n’a pas été identifiée. Emery EMERUSENGE, étudiant et membre du parti MSD, a disparu au centre-ville de Bujumbura, le 23 août 2018 alors qu’il avait rendez-vous avec une personne qui n’a pas été identifiée. L’ingénieur Matthieu NDAYIZEYE, sans affiliation politique assumée, a été enlevé à Bujumbura le 27 avril 2018 par des personnes à bord d’une voiture Toyota T.I qui n’ont pas été identifiées. Le Caporal-chef Rubin NDAYIKEZA, militaire ex-FAB et chauffeur au cabinet du Ministre de la Défense Nationale, a disparu à Bujumbura le 26 mars 2018 alors qu’il répondait au rendez-vous d’une personne qui n’a pas été identifiée. Ancien manifestant contre le troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA, longtemps recherché par le Service national de renseignement (SNR), Jean-Bosco NIBASUMBA a disparu le 14 mars 2018 alors qu’il répondait au rendez-vous d’un « ami » qui lui promettait de l’emploi.
La Campagne NDONDEZA a noté sur cette période de petites évolutions intéressantes au niveau institutionnel. Pour la première fois, la question des disparitions forcées a été soulevée au niveau du parlement burundais le 11 septembre 2018 alors que les deux chambres étaient réunies en congrès pour analyser le rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi (COI Burundi). Au congrès du parlement tout comme dans une sortie médiatique du ministre en charge des droits de l’homme, le gouvernement du Burundi est resté sur la défensive et continue son langage du déni et de la banalisation.
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