Bujumbura le 27/7/2018
Transmis Copie pour information :
– Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine – Madame la Présidente de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples
– Madame la Commissaire chargée des affaires politiques à la commission de l’Union Africaine.
A Madame le Rapporteur Spécial sur les réfugiés,
demandeurs d’Asile, migrants et personnes déplacées
à Banjul
Concerne : Harcèlement excessif et continu des réfugiés Burundais se trouvant
dans les camps de réfugiés en Tanzanie et menace d’expulsion
Objet : Appel urgent
Madame le Rapporteur,
Les organisations de la société civile Burundaise signataires de la présente, ont l’honneur de s’adresser à votre compétence pour dénoncer le harcèlement excessif et continu que subissent les réfugiés Burundais se trouvant dans les différents camps de réfugiés en Tanzanie. Outre l’insécurité qui est souvent signalée dans ces camps, les réfugiés burundais sont constamment menacés de refoulement vers le pays qu’ils ont fui et ces organisations saisissent cette opportunité pour requérir une intervention rapide susceptible de mettre fin à cette violation du droit international humanitaire.
En effet Madame le Rapporteur, depuis la répression sanglante des manifestations pacifiques consécutives au Coup d’Etat contre la constitution qui a été opéré par le Président Nkurunziza au mois d’avril 2015 à travers son troisième mandat contraire à l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi, plus d’un demi-million de Burundais ont trouvé refuge dans les pays frontaliers du Burundi. La Tanzanie est le pays qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés qui sont évalués à plus de 270.000 personnes.
Depuis la visite du Président Nkurunziza dans le district de Ngara en Tanzanie en 2017 et le discours de son homologue Tanzanien qui invitait les réfugiés Burundais à rentrer chez eux en raison du fait que la paix serait revenue au Burundi, les réfugiés Burundais vivent un calvaire sans nom. Alors que les crimes contre l’humanité continuent à se commettre au Burundi, comme en témoigne le récent rapport de la commission internationale d’enquête sur le Burundi, la pression et le harcèlement des réfugiés Burundais continue à s’accroitre au point que le refoulement illégal de ces réfugiés Burundais peut se faire hélas à tout moment.
Outre la menace de refoulement, la proximité de ces camps avec le territoire Burundais fait que les jeunes de la milice « Imbonerakure » affiliée au parti au pouvoir au Burundi, s’infiltrent souvent dans les différents camps des réfugiés pour y semer la terreur. Des fusils sont souvent découverts dans les camps de réfugiés mais les mesures de protection des réfugiés, qui ne cessent de crier au secours, laissent toujours à désirer. Certains réfugiés ont déjà été tués, d’autres ont pu s’échapper pour trouver refuge dans d’autres pays tandis que d’autres encore vivent presque en cachette en raison des activités illicites des agents du service de renseignement Burundais qui entrent dans les camps des réfugiés. Des centaines de réfugiés burundais ont été arrêtés au moins une fois et détenus sans charge. Certains ont été libérés après avoir payé des amandes et dans toute la procédure, ils n’ont jamais bénéficié d’une quelconque assistance légale.
Récemment sur ordre des autorités Tanzaniennes, les réfugiés ont été privés du droit de se rendre dans les marchés environnants les camps tandis que les autorités Tanzaniennes ont menacé de fermer les marchés de négoces se trouvant à l’intérieur des camps au plus tard le 15/8/2018. Pour rendre la vie impossible dans ces camps des réfugiés, des mesures interdisant le commerce des produits pourtant de base ont été affiché dans les camps des réfugiés depuis le 27/7/2018. Contrairement au prescrit des conventions internationales dument ratifiées par la Tanzanie qui obligent les Etats d’accueil à traiter les réfugiés avec dignité, les réfugiés Burundi, probablement en raison d’un marchandage entre le Burundi et la Tanzanie, se voient cantonner dans les camps de réfugiés sans même le droit de s’approvisionner en bois de chauffage comme si ces camps de réfugiés tanzaniens étaient devenus des prisons à ciel ouvert.
L’objectif de ce harcèlement continu et inhumain a été révélé par le gouverneur de la province de KIGOMA qui, en date du 25/7/2018, lors de sa visite dans le camp de NDUTA a menacé de refouler tous les réfugiés Burundais vers leur pays d’origine en alléguant que « ces réfugiés constituent une menace à la sécurité et à l’économie Tanzanienne ». Notons cependant qu’un nombre important parmi ceux qui avaient opté pour un rapatriement volontaire ont été contraints de retourner en exil en raison des exactions de la milice Imbonerakure qui les pourchassaient impunément pour attenter à leurs vies.
Signalons en passant qu’il est paradoxal et étonnant que les autorités tanzaniennes impliquées dans la médiation visant la résolution du conflit Burundais s’acharnent sur les réfugiés Burundais pour les contraindre à rentrer dans un pays où leurs vies pourraient être en danger, au moment où la relance du dialogue inter Burundais, destiné à trouver une issue à la crise qui a produit ces réfugiés, est annoncée pour le mois prochain.
Les organisations signataires du présent appel urgent estiment que la Tanzanie est entrain de violer l’article 12 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que l’article 33 de la convention des Nations unies de 1951 sur le statut des réfugiés qui prohibent le refoulement et demandent en conséquence votre intervention pour faire cesser dans l’urgence ces agissements illégaux des autorités tanzaniennes envers les réfugiés Burundais. Ces organisations vous demandent instamment de rappeler aux autorités tanzaniennes leur obligation d’apporter protection et assistance aux réfugiés tel que prévu par la convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.
Partant de ce qui précède, les organisations signataires de la présente vous adressent le présent appel pour requérir les mesures urgentes ci- après :
- Dépêcher une mission d’enquête dans les camps de réfugiés Burundais se trouvant en Tanzanie afin de mener des investigations poussées relativement au harcèlement excessif dont les réfugiés Burundais en Tanzanie subissent afin de promouvoir et renforcer leur protection.
- Coopérer et engager un dialogue avec le Gouvernement Tanzanien afin de le ramener à respecter la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la convention des nations unies de 1951 sur le statut des réfugiés ainsi que la convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.
- Entreprendre toutes les démarches politiques, diplomatiques et juridiques prévues par la loi pour arrêter les violations des droits des réfugiés et éviter un refoulement massif des réfugiés Burundais qui pourrait mettre en danger leurs vies.
Dans l’attente d’une suite favorable que vous voudrez bien réserver au présent appel on ne peut plus urgent, nous prions d’agréer, Madame le Rapporteur, l’expression de notre considération très distinguée.
Pour les organisations Signataires
Me Vital Nshimirimana
Liste des organisations signataires
- Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-Burundi)
- Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH)
- Coalition burundaise des défenseurs des droits humains(CBDDH)
- Collectif des Avocats des Victimes de crimes de droit international commis au Burundi (CAVIB)
- Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB-CPI)
- Coalition de la Société Civile pour le Monitoring Electoral (COSOME)
- Forum pour la Conscience et le Développement (FOCODE)
- Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC)
- Groupe de Recherche et d’Appui aux Initiatives Démocratiques (GRADIS)
- Ligue Burundaise des droits de l’Homme ITEKA
- Mouvement des Femmes et Filles pour la Paix et la Sécurité au Burundi (MFFPS)
- Réseau des Citoyens Probes (RCP)
- SOS Torture- Burundi
- Union Burundaise des Journalistes (UBJ)